Chanson Française

 

Partition de la chanson française

 
  Auteur Joëlle Deniot,

Professeur de Sociologie, Université de Nantes, membre nommée du CNU


L'œuvre est toujours penser dans les catégories du durable et du transmissible. Elle témoigne de l'exemplarité d'une mise en forme esthétique du monde. Les chansons sont – elles des œuvres ? La chanson n'est ni poème, ni musique pure, elle dessine une forme métissée de langage,suffisant à la désigner comme texte maigre, ou art pauvre.

Bien que source de mobilisations émotionnelles socialement, historiquement fortes, en France la chanson populaire, et plus encore la chanson réaliste qui connut ses heures de gloire dans les années trente, ne parviennent pas à être considérées comme des œuvres, et cela malgré une tardive, rétive et très partielle reconnaissance patrimoniale, sans constitution d’un véritable milieu de recherche de soutien.

A défaut d’être des œuvres, les chansons sont-elles des documents, ce texte examine pour la chanson réaliste, cette tension entre le document et l’œuvre qui parcourt toute l’approche socio-critique des chansons.


Témoigner, faire œuvre, faire sens

Ce que nous connaissons par cœur
ne se trouve pas pour autant reconnu ;
quantité de chansons tapissent notre mémoire…
mais à la différence du grand art lyrique…
la chanson demeure chose capricieuse et vague,
errante, énergumène.

Daniel Bougnoux,
On ne connaît pas la chanson,
Revue Esprit N°254, juillet 1999

Les chansons sont des appels, on chante de que l’on ne peut pas dire

P.Saka, La Chanson française,Nathan 1983



Enchanter les  foules

Dans le "Plaisir du texte"[1], Roland Barthes place la chanson, comme la publicité, comme "l'oeuvre de masse"[2] du côté des institutions officielles du langage[3]. Il lui confère un statut idéologique, politique de langage de la répétition. Il en fait un  stéréotype sans devenir, susceptible d'enfermer le grand nombre dans cette émotion contemporaine pauvre, insensée du ressassement. Si je commence par cette proposition et cet auteur, c'est d'abord que Roland Barthes a beaucoup écrit sur le langage, sur la voix, l'écoute, mais c'est aussi parce que voilà énoncée, en formulation profonde, élégante, synthétique ... une grande partie des thèses, des idées, des discours les plus répandus et les plus aisément recevables  sur la chanson, sur les chansons.

L'industrialisation croissante du produit musical, de son support discographique, de sa reproduction, le surdimensionnement massif des spectacles de la chanson ne font d'ailleurs qu'amplifier ce type d'approche et cette distance critique.

Réconfort ou extériorisation, "la langue enchantée" des chansons détourne l’enthousiasme et désamorce la vigilance des peuples. Depuis le début du siècle en France et il y a bien des raisons historiques à cela, la chanson est attachée à cette image de médiocre renoncement tant au verbe personnel, qu'à l'action collective ; elle est attachée à cette rumeur vague faisant d'elle, un divertissement flottant, insidieux et passif.

Pourtant a contrario, il vient à l'esprit bien d'autres exemples de traditions reconnues. Blues, Tango, Flamenco, Raï, Fado, dont la portée expressive n'est pas déniée, dont la capacité à bouleverser les "convenances de la communication", par excès tragique, excès rebelle, tumultueux ou excès jouissif est souvent commentée, si ce n'est saluée. En fait, l'attitude s'inverse, lorsque l'on est face à des objets-chansons "ethnologisables".

Et je ferai l'hypothèse qu'au bout du compte, si les chansons sont objets rétifs à la pensée savante, c'est qu'elles touchent à la question du langage, qu'elles ne sont ni textes, ni paroles, ni musicalité pure et que leur signifiance, leur trame sensorielle proviennent pourtant d'un rattachement hybride à ces trois éléments. Avec la chanson, on rompt avec le rapport rigoureux, ascétique à la fois rationnel et sacré que les lettrés entretiennent avec la langue. Chanter, sans doute,ce n’ est pas  dire autrement, c'est précisément ne pas dire, s'inscrire dans ces bribes, failles, ces ombres du sens, comme je vais essayer de le montrer à propos de la chanson réaliste, cette "exception française" des années 20-30 ... suffisamment lointaine pour qu'on puisse en apprécier les processus d'émergence et de réception renouvelée et pourtant suffisamment proche de notre langue, de nos valeurs culturelles pour que l'on ne puisse pas la "folkloriser" sereinement comme le blues, le tango... devenues musiques du monde.

Cette turbulence introduite dans le rapport au langage place alors les chansons sous un double déni : effacement récurrent de leur valeur documentaire et oubli durable de leur valeur esthétique.



La trace et l'énigme

On connaît la querelle des perspectives muséales à propos de l'Art primitif, dont les objets sont tantôt présentés, par les anthropologues, comme spécimens ethnologiques, et tantôt présentés par les historiens de l'art, comme oeuvres à part entière. Dans le premier cas, ils sont alors entourés de commentaires et de supports didactiques sur le quotidien tribal, seuls supposés de les rendre signifiants. Dans le second cas, ils sont isolés dans leur "beauté", livrés sans le guide des contextualisations, à la seule contemplation esthétique[4].

Il ne s'agit pas, bien sûr, de se replacer dans cette alternative à options incompatibles. Toutefois, l'hésitation, l'oscillation entre une approche insistant sur la stricte portée ethnologique du matériau, et une approche insistant aussi sur l'expérience esthétique, symbolique, sensible dont le matériau est le vecteur; se posent à propos de la chanson en question.

S'il y a oscillation, sans doute faut-il trouver un équilibre. Autrement dit, la chanson réaliste qui nous occupe, n'est-elle qu'un document, d'époque, de milieu, de moeurs ? N'est-elle que l'empreinte, l'illustration d'une socialité, d'un mode de vie, datés, localisés ? N'est-elle qu'une trace parmi d'autres de ces pratiques, de ces rituels de convivialité et d'effervescence dangereuses, propres à la petite société Montmartroise du début du siècle, de ce Montmartre du plaisir et du crime que décrit, qu'analyse fort bien Louis Chevalier
[5] ? Cet efficace documentaire de la chanson est d'ailleurs déjà considéré comme incertain. N'est-elle au mieux qu'un document, disions-nous, ou bien est-elle, aussi, la mise en forme singulière d'un rapport esthétique au monde ? Participe-t-elle au delà d'un "art de vivre", à cette énigme - déchiffrable, indéchiffrable - de la création ? Est-elle à l'origine d'une quelconque nouvelle compréhension, nouvelle conscience émotionnelle du monde qui font l'oeuvre.

Trace, document incertain, la chanson est bien sûr plutôt envisagée comme énigme hautement improbable.



Chanter et n'en rien dire.

Si chanter est un fait culturel à valeur communielle, rituelle, symbolique, psychique avéré, les chants et les chansons sont pourtant restés bien longtemps des phénomènes annexes dans l'approche des sociétés et de leur histoire. Sorte de bruits résiduels, de fête, d'ivresse, de révolte, d'émoi. Sorte d'éclats de cultures sans doute, mais bien peu compatibles avec la raison savante.

Une source insolite.

Pour avoir une dignité documentaire, objets, images, gestes doivent se situer dans tradition de collecte et s'inscrire dans une logique d'illustration, de témoignages ou de preuve. A regarder la place accordée aux pratiques chansonnières dans les recherches en sciences sociales, on constate qu'à l'évidence, ce statut documentaire ne s'acquiert que tardivement, que timidement, qu'il reste "essentiellement" marginal.

Pourquoi ?

•La chanson est "objet futile" sans doute, mais aussi objet évanescent. Les chansons sont d’éphémères synergies d'émotions collectives, intersubjectives. Trames de souffles, de timbres, de mots, de voix, de rythmes qui traversent un lieu, qui se mobilisent pour une circonstance, les chansons sont des objets aériens. Ce ne sont pas des objets, mais des évènements singuliers, des résonances labiles. Bien sûr, les chansons s'insèrent dans des échanges ritualisés. Bien sûr, elles sont fixées dans le répertoire du spectacle. Bien sûr, on peut en partie accéder à leurs enregistrements. Mais elles restent à saisir dans l'instant, attachées à l'immédiateté de la situation où elles surgissent, adviennent et disparaissent. En cela, elles restent des traces vagabondes. Et si ces dernières peuvent bien révéler tensions, états, nostalgies d'un sensorium culturel, elles n'en laissent qu'une image futile, un parfum de mémoire que les analystes, les anatomistes des moeurs, romanciers ou savants auront bien du mal à classer dans leurs archives, à faire entrer dans leurs rationalités éprouvées.

•Et même si la chanson va finir par être considérée et retenue dans l’argumentation des ethnologues, des historiens – d’abord, via les travaux des folkloristes du XIXe – cette approche reste problématique. Claude Duneton qui vient d’écrire le second volume de l’histoire de la Chanson française (couvrant la période de 1780 à 1860) commence par énoncer cette précaution qui n’est pas qu’oratoire : L’histoire de la chanson n’est pas une histoire comme les autres … Quiconque se mêle de ce travail-là se trouve dans l’obligation de donner de la voix – Ne lisez  jamais un texte de chanson sans un air en tête – car ce qui est distinctif, fondamental là dedans, c’est que le son de la voix éclaire le sens.

Propos simple qui pointe pourtant bien l’obstacle fondamental à tout traitement – non strictement musicologique – de l’objet chanson. Car,  s’il y a une difficulté à circonscrire la chanson parce qu’elle cristallise des effervescences brèves, la difficulté majeure touche, toutefois, à l’appréhension de sa texture même. Car cette texture est d’abord orale, rythmique. La chanson est d’abord un matériau, une enveloppe, un « miroir », un geste sonore. C’est une image bruissante, fredonnante où se greffent des imaginaires de la vocalité, du souffle, du tempo… Elle participe de cette « mémoire non linguistique » dont Pascal Quignard parle à propos de la musique, échappant aux cadres de raisonnement des sciences sociales qu’elles soient historiennes, anthropologiques ou même linguistiques.

Plus encore que le document iconographique, le matériau sonore est anecdotique. Il peut éventuellement accompagner la démonstration, mais lui-même échappe au noyau explicatif. Il est placé à côté, ou même en écho ; mais il est toujours envisagé comme  un au delà, ou un en deçà de l’interprétation, il est mis hors portée du logos. Le paradoxe du document sonore tient sans doute à sa capacité d’imposer silence au commentaire.


Un commentaire éloigné

Cette dérobade discursive est particulièrement sensible dans les approches ethnologiques des chants traditionnels, approches d’ailleurs pionnières dans la collecte raisonnée de ces « chansons courantes » considérées comme véritable réservoir d’appels, de messages, de liens sociaux inhérents à cet usage spécifique du langage.

Chant long des Mongols, berceuse de Centrafrique, chant rituel des « origines du monde » au Paraguay, l’édition discographique récente d’une partie de ces archives savantes donne partiellement accès à ce grand musée des voix humaines. Toutefois, l’accès à leur écoute n’est pas l’accès à leur intelligibilité. Alors, si la collecte des univers chantés traditionnels a bien le mérite de restituer l’importance documentaire de cette chair tonale, vocale, mélodique, rythmique en œuvre dans la production d’actes et de récits collectifs, elle a également l’inconvénient de taire toute l’expérience sensible, esthétique qui, peut-être, en fonde la réception et l’existence.

Comme en toute perspective d’inventaire, le commentaire est, ici, réduit à sa plus simple expression : une note d’identification par datation, localisation de la source et description de la forme mélodique. L’effet de minimalisation du commentaire  est, en la circonstance, extrême. Le son vient supplanter le sens. Et tout se passe comme si, captant la pleine texture du chant, le document sonore se projetait dans l’évidence d’un hors-texte, installait la souveraineté factuelle, intraduisible du matériau. Ainsi face à ce débordement fatal de la source impensée, « impensable », le document-chant tout à la fois révèle et voile ce qu’il veut désigner.

Autrement dit, à travers l’enquête et les relevés ethnographiques, ethnomusicologiques de la chanson-document, doit-on en conclure qu’à source insolite correspondrait un commentaire introuvable ? Ce malaise interprétatif face à l’archive sonore des chansons provenant également de « cette fraude de la musique » dont parle Jacques Rancière, de ce qu’il nomme « son vice radical » à savoir « son mutisme ».





Non, car la lacune interprétative sera rapidement comblée par un commentaire à propos de l’entrelacs des contextes de la pratique chansonnière. Ce sont, sans doute, les historiens qui, les premiers, vont admettre l’importance informative de ces chansons qu’elles soient retranscrites sur feuillets pour le commun, ou bien réunies en recueil  à fines reliures pour les mieux dotés. Ils sont, sans doute, les premiers à s’intéresser à ces fragments du récit social pour y appliquer le modèle explicatif de la  mise en contexte.

L’archive n’est plus muette. Le document retrouve un commentaire. Celui-ci renvoie au contexte des lieux, des scènes, des mœurs, des évènements, des interdits, des modes, façonnant les contenus, la couleur et la transmission des répertoires. Pour comprendre la chanson, il a fallu s’éloigner de sa constitutive oralité.

Mais si l’archive n’est plus muette, elle est bel et bien redevenue silencieuse. Les historiens travaillent dans le calme de la source écrite, cet autre document du chant, épuré de ses voix, de ses incarnations, de ses musiques, de ses partitions même, le plus souvent. Pour retrouver du sens, la chanson est redevenue un texte à lire, à interpréter comme tout autre manifestation langagière, narration attachée par ses liens d’espace et de temps, à une vision du monde.



Lire le document des chansons

Les chansons sont bien des archives sensibles[6], où s’impriment des synthèses d’ambiance, des esquisses de sensations. Elles font bien résonner les silences, défiler les lumières et les ombres d’un moment, d’un lieu, d’un monde puisqu’à la différence de la photographie qui arrête le temps, on pourrait dire que les chansons, elles, intègrent le temps. Louis Chevalier évoque très bien cela à propos de cet écho des soirs Montmartrois dans les chansons de Bruant – où l’on cherche fortune – Au clair de lune – Autour du chat noir »…. Autant de dédicaces à la fraude, à la nuit, aux plaisirs de l’ombre.

Pourtant, pour établir la volontaire transparence de leurs raisonnements, la plupart des lectures documentaires de la  chanson vont écarter ce frémissement de l'archive chantée. Elles vont, autrement dit, écarter la capacité de cette dernière, à faire apparaître, à suggérer des correspondances esthétiques, sémantiques entre les différents langages de la pratique sociale. Lire le document-chanson, s’est souvent s’interdire d’ entendre, de traduire les liens de connivence entre style du temps et style du chant. Lire la chanson comme un document, c’est délimiter des liens « environnementaux » de causalité entre le fait culturel, le fait institutionnel et le chant. Sous inutile et fallacieuse réserve d’objectivité, c’est aussi, c’est surtout refuser de percevoir l’émotion qui vous atteint ; c’est écarter cette contagion liant irrésistiblement le charme et le chant
[7], cette parenté que nous indique étymologiquement le latin Carmen.


Chanson réaliste, chanson des faubourgs




Précisons que la chanson réaliste qui m’occupe est plutôt celle du « deuxième mouvement » (1920-1935), celle que l’on fredonne dans l’entre-deux-guerres, celle qui cumule les plus lourds stigmates puisque sa dominante n’est plus subversive mais sentimentale – que les larmes y remplacent la colère – et que leurs interprètes sont presque exclusivement des femmes. Damia, Fréhel, Yvonne George, Lys Gauty ; Nitta Jô, Berthe Sylva, Marie Dubas, la Môme Piaf à ses débuts, voire même Marianne Oswald. : ces noms connus ou moins connus sont paradoxalement liés à des emblématiques populaires puissantes ainsi qu’à des images troublantes d’extrême solitude. Figures de femmes, figures du peuple, figures de marge signent ce répertoire. Ces chants, on le comprend, combinent bien des raisons aggravantes d’être dénigrées, déniées, oubliées.

Pourtant ma motivation de recherche n’est pas de m’intéresser au plus insignifiant. Au contraire, si cette chanson-là a retenu mon attention, c’est qu’elle confirme des processus d’institutionnalisation du divertissement du grand nombre, c’est qu’elle accompagne l’avènement de nouvelles sensibilités subjectives et qu’elle révèle sur d’autres registres symboliques et sociaux l’identification à une communauté de sort ; proposant, en somme, à tout public réceptif ce lieu commun de la « chanson noire », de la chanson funeste à partager, pour  « dire sans dire » que la vie est une chienne, une chienne de vie.

En arrière-plan, cette chanson réaliste, cette pratique chansonnière nous rappellent à leurs conditions matérielles d’apparition : une gestion, une politique des arts du spectacle populaire urbain, répondant à une profonde crise économique, terreau de tous les affairismes, cultivant appétits et désespoirs.

On peut alors confirmer que la chanson réaliste est fille de la misère à plus d’un titre. En ces déterminants les plus externes, elle renvoie en effet aux foyers citadins d’une paupérisation qui touche largement la population féminine dès son plus jeune âge. Ce qu’attestent les annonces aguichantes des marchands de spectacles, en direction d’une main d’œuvre ouvrière, employée au chômage. Ce qu’attestent les témoignages d’errance des « plus grandes dames de la chanson réaliste », telles Damia, Frehel, Berthe Sylva d’abord, femmes sans feu, ni lieu, voix de rue au sens le plus nu de l’expérience et du terme.

Elle est la « chanson des gueux », qui a son implantation géographique circonscrite : Belleville, Montmartre. Elle a ses topographies de diffusion et d’évocation … quartier des quais, des buttes, des bordels, des ports. Tous, lieux d’aventure, d’oubli, de trafic nocturnes en bordure de la ville institutionnelle et diurne.

Si l’on délaisse les déterminants externes pour aller vers une analyse plus rapprochées des thématiques chansonnières, que peut-on constater ? On constate que la scène de la chanson néoréaliste, dont Fréhel est sans doute la pionnière, en mettant l’accent sur le jeu de l’interprète, a également bouleversé message, représentation et identification portés par l’univers chansonnier. Car si cette chanson a bien toujours parti lié avec un prolétariat urbain, ceci s’opère de manière indirecte. Fini le verbe subversif des compositeurs -animateurs des goguettes (leurs activités sont condamnées, interdites). Finies les utopies d’un Charles Gille, qui voulait soulever le monde ouvrier par la puissance d’entraînement des paroles chantées, leur vitesse de circulation, leur insaisissable volatilité. La chanson néoréaliste  ne dénonce ni la peine, ni l’espérance, ni le soulèvement ouvriers, elle fait silence sur le politique. Elle n’évoque plus vraiment de figures prolétariennes, elle parle « d’apaches », bande « chevaleresque » de voleurs dont le film « Casque d’or » renvoie bien l’image ; elle parle de prostituées, de saltimbanques, ceux que Vallès nommait « les sauvages de la ville ». Autrement dit sont ici convoqués tout un peuple de l’ombre, un peuple hors la loi … tantôt plus proches des personnages hugoliens, tantôt frères des silhouettes dépeintes par un Francis Carco dans « L’homme traqué » notamment.

Argot stéréotypé, foulard rouge au cou, charge populiste de connivence…. Monthéus, parolier de Fréhel, fait de l’anarchisme un clin d’œil, fait de la rébellion, un scénario avec accessoires. Toutefois, le schéma explicatif de la dépossession idéologique, de la dévitalisation politique à la source de ces chansons-là, ne suffit pas à rendre intelligible l’émotion collective qu’elles firent naître.

Ces chants seront  vivement applaudis parce qu’ils traduisent la dureté des conditions de vie, celle des clivages sociaux – certains de ces chansons sont parfois de véritables interpellations de classe à classe. Mais on les aimera également parce qu’elles anticipent sur des inflexions de moeurs, encore peu dicibles – rapport à la solitude, à l’autre sexe, à la drogue, à l’état de dépendance. Et parce qu’elles s’inscrivent dans des cultures d’oubli, de vertige qui – au delà du malheur social – font écho à des violences plus intérieures, violence des sentiments, de la douleur intime, se référant, sans se confondre, au contexte historique, tourmenté de l’entre-deux-guerres.

Aussi les chansons néoréalistes, sont - elles également indices d’émergence de sensibilités souterraines … condensant des niveaux plus secrets de significations. Alphonse Daudet qualifiait les chansonniers Montmartrois « d’amis de l’angoisse et du malaise de l’homme »... proférant des chants pathétiques insoutenables.



Envisager l’œuvre : c’est envisager une poétique

Au delà du strict commentaire de contextualisation, choisir d’entendre la chanson réaliste non plus seulement comme un document ethnographique, mais comme une œuvre … c’est prendre la liberté d’en comprendre la puissance initiatique.

• C’est retrouver l’écart, la tension se manifestant entre vie et création esthétique, dans ces métaphores chantées du monde.

• Ce n’est plus seulement parcourir le sens interne des chansons - via l’analyse de contenu de leur répertoire. C’est aller vers le sens intime, le plus silencieux de cet art expressif.

• C’est replacer la chanson – petit art maigre du verbe – dans les grands débats esthétiques, politiques du naturalisme, du réalisme, de l’expressionnisme qui alors, commencent à se socialiser.

Parler de poétique de la voix réaliste, c’est déclarer que la démarche exploratoire supplante le seul éclairage explicatif, le schéma qui saisit cette « vague chansonnière » sous le double processus de son institutionalisation et de sa marchandisation ; voire qui la saisit, même, dans ce mouvement sourd de réorientation des idéologies et des énergies emportant cette « foule sentimentale », éduquant « cette foule » nationale, sortie d’une guerre pour entrer dans une autre, au premier tiers du siècle.

Toute poétique interroge le langage. Interroger la chanson, sous cet angle, c’est entrer dans un imaginaire de la langue qui met la voix aux avant-postes du verbe ; et cela en s’éloignant tout aussi bien des visions instrumentalistes qui considèrent la voix comme simple phoné, que des visées « idéalistes » estimant le langage sous les seuls points de vue du signifié et du signe.

Envisager une pensée de la voix – cette forme paradoxale et fuyante du sens – constitue l’horizon théorique large de cette approche de la chanson. Curieusement alors que de nombreuses études sémiologique, littéraires appliquées au poème, à l’acte même du dire et de l’écriture se sont engagées dans cette problématique de la vocalité de la langue, différente même de son oralité, les études historiques, ethnologiques ou musicologiques consacrées à la chanson, évitent le plus souvent de questionner sa dramaturgie vocale. Peut être parce que la voix comme phénomène sonore, y est finalement trop présente.

Pourtant les chanteuses – qui nous occupent-là – ont pour ancêtres désignés par le Caf’ Conc’ les pierreuses, les diseuses, les goualeuses … autant de manières de prendre la chanson au plus près de son « grain », de son corps d’inflexion ou de diction. Pourtant les chanteuses – qui nous occupent-là, ont souvent, à leur début, été stigmatisées pour leurs cris, puis magnifiées pour la valeur iconique de leur gouaille, de leur timbre. Aussi, la particularité de leur statut dans l’histoire des chansons, la particularité de l’écho de leurs phrasés, de leurs déchirements, nous invitent-elles, sans doute, à goûter la chanson par sa dimension jouissive, oubliée, à découvrir centralement la chanson par l’heuristique de la vocalité.

Il importe alors de constater qu’écouter, que comprendre la chanson dans la voix, elle-même entendue comme cet audible du sens devançant et débordant la chaîne parlée, permet bien de changer de registre discursif et sémantique.

Développer une pensée spécifique de la parole de cette voix réaliste, de ces voix dites « illégales » de la mélodie chansonnière, au regard de la précision lyrique, c’est accéder à l’idée de leur œuvre. Œuvre qui, d’un mot, peut être caractérisée comme naissance, comme dévoilement d’un théâtre populaire de la subjectivité, donnant – et ce, dans une radicalité originale et rare – à voir la voix, «  cet affect de dire le vivre », comme la définit Henri Meschonnic, la voix d’un sujet tragique et pluriel.

Œuvre du théâtre plébéien de la voix, disions-nous – cela suppose la conquête d’espace de création et de contemplation. Dans les goguettes, tout le monde chantait, désormais on écoute les chansons. La chanson-spectacle naissante a creusé l’écart symbolique et spatial entre l’artiste et son public. Dans cette distance qui s’affine du Caf’conc’ à la scène du Music-hall, s’opère un double déplacement des sensibilités de réception :

• Le silence se fait autour d’un nouveau mode d’expression, celui     de la chanson interprétée, donnant  à voir le scénario d’un geste, d’une diction.

• La lumière cerne la voix qui s’élance ; la voix, ce mode sublime d’apparition, d’exposition du corps troublant de l’interprète.

Ce sont de nouvelles synergies, mêlant fascination et complicité qui émergent alors entre l'artiste et son public. Il y a là une expérience plus admirative, plus sentimentale d’une chanson qui s’impose dans le triomphe du regard et du toucher vocal. Ce sont surtout des femmes -  des femmes venues de l’expérience vocale cruciale du chant des rues -  qui vont être les interprètes, les médiatrices de ce nouveau sensorium esthétique, initiant leur auditoire à cette métamorphose de la chanson, devenue chant intériorisé, incarné.





Phénomène inauguré par Yvette Guilbert, sous des modes plus légers dans l’ambiance du Caf’conc’, ce lyrisme visuel de la voix va prendre toute son amplitude avec, précisément, le registre sombre d’un néoréalisme où l’accent marqué d’un désespoir lourd, la traîne de sa dureté vocale importent plus que les mots, portent au delà du message, dans une confidence intimiste.

Yvonne George, l’amour de Desnos chante ses complaintes acerbes, parée d’un fourreau de velours sombre. Damia invente, sous le halo des projecteurs, la silhouette emblématique de la chanteuse réaliste à robe noire. C’est dans l’élaboration de cette théâtralité de l’ombre et de la lumière que vont se détacher le visage, les mains, le souffle de l’interprète ; que toute cette expressivité du geste et de l’âme va pouvoir surgir comme nouvel espace d’écoute du chant.

Écouter une voix, c’est aussi la dévisager, la suivre dans le sillage de sa « réverbération acoustique », à travers les tensions, les ébranlements, les hésitations du corps. La scène de la chanson néoréaliste, va enchâsser l’œuvre de la voix plébéienne en un véritable écrin qui porte à accueillir les vibrations du chant sur les frémissements du regard, des lèvres ; qui  porte à cueillir le chant sur le paysage mobile de la face. Décliné sur la peau de la voix, le récit réaliste opère désormais en catharsis rapproché, définissant une nouvelle configuration esthétique des jeux de miroir entre l’artiste héroïsé et l’auditoire captif.

Dans cette scénographie ritualisée de la voix – que Piaf portera à son acmé doloriste - sinon christique - le récit réaliste mène vers des zones plus obscures du chant, vers un audible enfoui des déchirements, des larmes, des abandons, vers les silences, les cris universalisables d’une plainte primitive, vers l’écho prolongé des deuils, vers les tourments d’un sujet tragique.

Avec la dramatique de la voix en vedette, c’est toute l’émotion exacerbée de la douleur offerte qui peut déployer ses compassions, ses implorations, ses cruautés. Ce théâtre chansonnier est aussi un théâtre de la cruauté. La focalisation sur la voix, sur sa puissance coïncide dans cette chanson populaire-là, avec l’apparition de la subjectivité, avec l’apparition d’un pathétique individualisé. Avec l’avènement du sujet par le cri. Mais ce sujet n’est pas un sujet désincarné. Noyé dans ses sensations, ce sujet est un corps, une chair au monde pétrie de troubles, de craintes, de désirs inouïs.

Cette voix réaliste qui parie sur l’empreinte d’un timbre, l’évocation d’un souffle contre le seul pouvoir des mots, cette voix réaliste qui dit « J’ai le cafard »
[8] , « Moi je m’ennuie »[9], « J’ai bu »[10], « J’ai peur »[11] est toute préoccupée d’obsessions existentielles, captant bien aussi quelque chose de la poétique expressionniste des arts littéraires, filmiques ou picturaux du temps.

Mais ces chants nocturnes emportent dans un même élan ténébreux et le sujet et l’histoire. Ivresse de la chute
[12], prédications funestes[13], brûlures du désamour[14], ou bien complainte des catastrophes collectives[15] : ces chansons instillent des images de course à l’abîme où fraternisent destins privés et destins nationaux. Gouffre de l’histoire ou bien gouffre de l’âme se confondent dans une même solitude d’être, un même désarroi. Ces chants sont voix d’une tragédie multiple où se croisent dénuement personnel et dénuement social. Ces voix ont leur parole spécifique où se répondent tragédie de l’Ego et tragédie du monde …


De l’histoire à l’épure

Oscillant entre réalisme noir et lyrisme expressionniste, travaillées tant par les fantômes hugoliens des Misérables que par les appels baudelairiens à la nuit, au néant … la parole de ces voix, corps perdu du langage, les dires sans dire de ces chansons populaires sont entrées en débat avec l’art lettré. D’abord ces femmes-interprètes vont elles-mêmes, dans leur vie, susciter l’attention d’intellectuels marginaux qui, tel Carco, Marc Orlan, Colette, Cocteau, Van Dongen, Desnos vont en retraduire les figures dans le roman, la toile, la nouvelle, le poème.

D’autre part si l’imaginaire vocal de cette chanson appartient au passé, il est pourtant sans cesse réactualisé. D’autres horizons d’attente en réinventent non seulement la nostalgie, mais également la pertinence au présent. Ainsi, Cora Vaucaire a fait réentendre Fréhel, Catherine Ribeiro, Piaf, Juliette Greco, Damia. Récemment Cécile Caussimon, sur d’autres tonalités, dans d’autres remaniements symboliques reprend un répertoire tragique, réaliste, acide. De très jeunes chanteuses, auteur-compositeur s’exercent dans ce registre, dans des concerts de province. On pense notamment à l’exemple de Jeanne Cherhal pour la région nantaise. On voit ainsi cette chanson s’inscrire  dans des modes de continuité détournée.

Enfin d’autres pratiques artistiques, celles du théâtre contemporain plus particulièrement, s’emparent de ce « patrimoine » Ces spectacles proposés par des troupes régionales replacent  la chanson réaliste dans la symbolique large de l’Art expressionniste qui s’affirme dans le premier tiers du siècle, mais dont les angoisses subjectives, sociales et politiques font écho à celles de cette fin de millénaire, puis à l’aube incertaine du siècle qui s’ouvre. On se situe  dans un double jeu de renvoi qui fait exploser sur cette scène-là, avec une vigueur inattendue, dans une rythmique de Rap, la très célèbre mélodie J’ai le cafard chantée par Fréhel et Damia. On réentend alors, celle-ci, subitement  dépouillée de nos habitudes d’écoute…






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[1]Le¨Plaisir du texte, Roland Barthes, Seuil, Paris 1973, p.66 et suivantes.
[2] Expression de l'auteur in "Plaisir du texte", op. cit.
[3] Cet article fut édité en une version différente in Vers une sociologie des œuvres, Editions l’harmattan, logiques sociales, 2001.
[4]Cf Oeuvres d'art et objets ethnologiques, in  Sally Price – Espaces de l’art – Arts primitifs, regards civilisés. Ed.University of Chicago, 1989.
[5]Montmartre du plaisir et du crime, Louis Chevalier, R. Laffont, Paris, 1980.
[6]Expression empruntée à Noëlle Gérôme, in « Archives sensibles » - Ethnologie des images et des objets. Edit. E.N.S.Cachan, 1996.
[7] Daniel  Bougnoux , On ne connaît pas la chanson, in Revue Esprit, la chanson, version française, Paris,  Juillet 1999
[8] Chanté par Fréhel, J. Eblinger.
[9] Chanté par Damia, François-Wal-Berg
[10] Chanté par Damia, Davson.
[11]Chanté par Damia, J. Eblinger.
[12]A la Dérive, Fréhel.
[13]N’espère pas, Suzy Solidor.
[14]Mon cœur est au coin d’une rue, Damia.
[15] Les Goëlands, Les Naufragés,Damia.

 



Joëlle DENIOT
Professeur de Sociologie à l'Université de Nantes,
membre nommée du CNU.
Droits de reproduction et de diffusion réservés ©

 

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